lundi 10 août 2015

Sortons ensemble de l'euro-unique


Sortons ensemble de l'Euro unique .. 
Sommaire 
- Ce que révèle une nouvelle fois la crise grecque.
- Vers le fédéralisme européen ordolibéral, ou une autre construction européenne?
- De la Zone euro à monnaie unique vers une Zone euro et une Union européenne à des euros  communs et à des euros nationaux.

Sortons ensemble de l'Euro-unique ...


Nous voudrions évidemment tous d'une Europe démocratique, plus sociale, (avec beaucoup moins de chômage), plus juste, plus solidaire. D'une Europe qui permette à tous de vivre décemment.
Depuis sa création beaucoup de pays ont rejoint l'Union européenne avec cette espérance. Mais contrairement aux promesses faites avant les votes de l'Acte Unique en 1986, du traité de Maastricht en 1992, du traité européen en 2005. (Pour lequel on n'a demandé directement l'avis qu'aux citoyens français et néerlandais qui l'ont rejeté) et du traité de Lisbonne de 2007, pour beaucoup de pays, notamment du sud de l'Europe, cette amélioration des perspectives est restée en panne : 25% de chômeurs en Grèce, (prés de 50% chez les jeunes) en mai 2015, prés de 24% en Espagne, 13,6 % au Portugal, 12,4 % en Italie et 10 % en France.
(Contre 4,7% en Allemagne, 5,6 % au Royaume Uni , 6% en Autriche, 6,2 % au Danemark, 7,8 % en Suède, 7,8% en Pologne...et 5,2% aux États Unis).

Ces échecs nous concernent donc tous. La Grèce n'est de ce point de vue qu'une manifestation extrême de l'échec de la construction européenne et en particulier de la Zone Euro, qu'il faut reconstruire sans quitter l'Union européenne.

Ce que révèle une nouvelle fois la crise grecque.

Bien qu'élu démocratiquement le 25 janvier 2015 et conforté par le référendum de juin dernier, Alexis Tsipras a dû accepter, avec quasiment un revolver sur la tempe, un accord imposé par l'Eurogroupe, mais à l'efficacité duquel il ne croit pas pour redresser son pays. Mais qui donc y croit? Les remèdes imposés depuis 2012 n'ont manifestement pas permis de redresser la barre. Depuis plusieurs années les sommes promises aux Grecs par les créanciers n'étaient, on le sait bien, destinées qu'à rembourser ces mêmes créanciers.
(C'est aussi ce qu'écrivait Martin Wolf, l'économiste bien connu du Financial Times, le 17 juin 2015:  "l'essentiel des prêts à la Grèce n'a pas été accordé au bénéfice du pays, mais à celui de ses créanciers ineptes" . Cela n'a pas empêché une curée anti Syriza dans les médias fin juin et début juillet (cf. www.acrimed.org ).
Tout le monde sait par ailleurs également très bien que la Grèce ne pourra pas rembourser sa dette et que sans moratoire ou réduction de celle-ci, et sans révision des taux de changes et sans l'instauration d'une nouvelle politique économique, ce pays ne pourra pas se redresser.
Voici ce qu'en disait déjà en 2012, bien avant l'élection de Syriza en janvier 2015, l'économiste Michel Aglieta"Le pays, nous le savons, est insolvable" [..] En résumé la politique imposée à la Grèce mène le pays dans une impasse, celle de la dépendance perpétuelle à l'égard des créanciers étrangers et d'une tutelle politique sur le pays [..]. Ce déficit n'a été en rien été réduit après près de deux ans d'austérité féroce qui auront plongé le pays dans trois années de récession profonde" (dans " Euro, éclatement ou fédération", éd. Michalon, 2012).

Il est certes important que tous les citoyens grecs payent leurs impôts. Cela fait partie des devoirs de tout citoyen, tout comme le droit de faire les lois de son pays. Mais on ne semble songer qu'aux entreprises restant encore à privatiser dans ce pays, pour se rembourser, dépouillant ainsi encore un peu plus le peuple grec !
Le nouveau fonds de privatisation devrait récolter de près de 50 milliards d'euros d'actifs dans les 30 prochaines années!
On ne parle pas du rôle économique que devrait jouer le gouvernement grec".
Il faudrait un financement d'investissements structurants du type Plan Marschall, pour améliorer la compétitivité par la hausse de la productivité et non par une baisse des salaires avait déjà fait remarquer Michel Aglieta en 2012 (Aglieta op. cité, page 70). Il aurait donc fallu qu'un pays finance un tel plan. Mais qui ? L'Allemagne, puisqu'elle tire un bel avantage de la Zone Euro ? La commission européenne ? Mais n'aurait-il pas alors fallu créer un Ministère européen du redressement productif pour toute l'Europe? Et avec quels financements aurait-on pu le faire ?
Certes la Grèce ne représente que 2% du PIB des pays de la ZE . "Si c'était une banque comme le disent très justement les affiches du Front de gauche, la Grèce serait déjà sauvée" . La capitalisation de la bourse grecque (celle des banques comprise) était d'un peu plus de 39 milliards d'euros, l'équivalent de Danone ( Les Echos, 4 août 2015).
Et avec qu'elle légitimité, compte tenu des traités signés ? L'idéologie ordolibérale - une doctrine que nous précisons un peu plus loin - défendue depuis les années 1950 par l'Allemagne, et depuis le traité de Maastricht en 1992 par l'Union européenne, l'interdit en effet ! Et quid de la distorsion de concurrence que les ordolibéraux allemands n'auraient pas manqué de souligner, comme ils l'ont encore fait récemment, en juillet dernier, lorsque la France a annoncé qu'elle voulait aider ses agriculteurs !
Dès le 30 janvier, le président de l'Eurogroupe est donc venu voir le nouveau ministre des finances grec,Yanis Varoufakis, pour lui faire appliquer le même mémorandum que celui signé par le précédent gouvernement, et rien d'autre: "C'est le mémorandum ou l'échec du programme " aurait-il indiqué.
" Leur seul objectif était de nous humilier", article de Yanis Varoufakis dans le "Monde diplomatique" d'août 2015.
Or "un échec du programme" par un Etat membre de la zone euro signifie qu'il doit fermer les portes de ses banques! Ce n'est évidemment pas ce que voulaient les Grecs. M. Schäubele, ministre allemand des finances et fervent défenseur de ''ordolibéralisme", estimait quant à lui "qu'on ne peut pas laisser des élections changer quoi que ce soit ". Pas question donc de renégocier, comme croyait pouvoir le faire le gouvernement nouvellement élu! Tsipras et son gouvernement ont essayé de résister, mais en vain.

Mr Schäubele a par ailleurs également plaidé pour un Grexit (sortie) temporaire (définitive ?) de la Grèce, de la zone ZE. Avec bien sûr une dévaluation de la monnaie grecque par rapport à l'euro.
La suggestion n'est pas nouvelle.

La dévaluation ne dispense cependant pas de mettre en place dans le même temps, ou même avant, une politique économique appropriée au pays pour le redresser."Une sortie unilatérale de l'euro est un pari parce qu'elle est catastrophique à court terme, mais donne l'espoir d'un rebond capable d'engager le pays sur une voie de croissance ».
Alekos Alavanos, qui a été à la tête de Syriza avant Alexis Tsipras, de même que Panagiotis au sein de Syriza, sont en revanche plutôt favorables à une sortie de leur pays de la monnaie unique. Pour eux "la probabilité de pouvoir appliquer le programme de Syriza tout en restant dans l'euro, est quasi nulle".
Mais cela prend du temps .... Les inconvénients à court terme d'une telle sortie auraient certainement dissuadé d'autres pays de la ZE de s'interroger sur l'opportunité d'une sortie concertée de la zone euro à monnaie unique pour aller vers une zone euro à monnaie commune, suivant le processus décrit plus loin. Une sortie concertée de la monnaie unique obligerait évidemment l'Allemagne à réévaluer sa monnaie, (euro mark) et donc à réduire les avantages injustifiables dont elle bénéficie aujourd'hui au sein de cette zone. On comprend donc bien pourquoi elle s'opposerait à une telle transition et pourquoi on n'en parle pas. Coralie Delaume, pense d'ailleurs que les dirigeants européens sont angoissés à l'idée qu'il puisse y avoir une alternative à l'austérité et à la monnaie unique. En précipitant le Grexit Wolfgang Schäubele aurait donc évité qu'on s'interroge sérieusement sur ces alternatives.
Avec Jean Pierre Chevènement et le MRC nous pensons que "l'accord passé avec la Grèce est un mauvais accord. Il ne résout rien sur le fond et aggravera la récession de l'économie grecque. Mais c'est une moins mauvaise issue ( pour le moment) qu'un inamical Grexit .

 Voir par ailleurs les actes du colloque de la Fondation Res PubLica sur : "L'euro est-il soutenable ? Le nouveau test de la Grèce", 2015 , www.fondation-res-publica.org/index.php?

Par ailleurs les Grecs, pas plus que les citoyens des autres pays méditerranéens et même de la France - ne souhaitent quitter l'Union européenne, ni même la Zone Euro. Cet attachement culturel et symbolique ne doit pas être ignoré. Et c'est sans doute pour toutes ces raisons que le gouvernement de Tsipras ne voulait pas sortir de l'euro unique, en tous les cas pas tout seul.
-Selon les sondages 70% à 75% souhaitaient rester dans la monnaie unique (revue Ruptures, le nouveau mensuel de "Bastille République Nations", 29 juin 2015)
-Bastien Faudot, porte-parole du MRC, était l'invité du 19/20 de France 3-Franche-Comté, jeudi 9 juillet 2015 de retour de Grèce http://www.mrc-france.org/La-Grece-n-est-pas-en-etat-de-rembourser-sa-dette-aujourd-hui_a847.html?TOKEN_RETURN
-Communiqué du MRC du 10 juillet http://www.mrc-france.org/Grece-ni-capitulation-ni-reniement-du-referendum_a849.html?TOKEN_RETURN

De plus une sortie doit être bien organisée, concertée et surtout être bien acceptée par les citoyens des divers pays européens.
Pour l'instant une sortie isolée de la Grèce aurait seulement été vécue comme une expulsion du camp occidental, donc comme un échec pour la Grèce, alors que c'est la construction même de la zone euro qui est à revoir. On comprend donc ainsi aisément les difficultés qu'ont eu les parlementaires grecs à accepter l'oukase qui leur a été imposé par la Troïka (UE, FMI et BCE). Et aussi l'embarras des parlementaires français de gauche favorables à Syriza, lorsqu'on leur a demandé de voter, début juillet, pour ou contre le plan proposé par l'UE et François Hollande.
Seulement 19 pays sur les 28 de l'Union européenne (UE) font partie de la zone euro (ZE). La Pologne, la Suède, le Danemark, la République Tchèque, la Bulgarie, la Hongrie et la Croatie n'en font pas partie. La Grande Bretagne n'a pas souhaité y entrer et abandonner sa souveraineté monétaire. Il ne faut donc pas confondre l'Union européenne avec la zone euro. La Norvège, bien qu'étroitement associée à l'UE, n'a pas voulu entrer dans l'UE, notamment pour préserver son agriculture. D'aucuns écrivent qu'il faut tout faire pour garder la Grèce au sein de l'Europe, mais ils confondent, volontairement ou inconsciemment, l'UE avec la ZE. On a même pu lire que sortir de la ZE impliquait aussi de sortir de l'UE !

Ce préambule et ce retour historique aideront, nous l'espérons, à clarifier le débat: pourquoi Il faut reconsidérer, comme le recommande depuis longtemps le MRC, "la malfaçon" de la monnaie unique européenne, les moyens d'en sortir et aussi la question de la souveraineté démocratique, qui est liée à la construction de l'Union européenne et de la Zone euro, donc à l'euro monnaie-unique.
Voir notamment "La malfaçon, monnaie européenne et souveraineté démocratique" de Frédéric Lordon et "Casser l'euro pour sauver l'Europe" de Franck Dedieu, Benjamin Masse-Stamberger, Béatrice Mathieu et Laura Raim. Ces deux ouvrages ont été édités en 2014 par "Les Liens qui Libèrent".


Vers le fédéralisme européen ordolibéral, ou une autre construction européenne?

Pour certains la création de la monnaie unique reflète une avancée très positive de la construction européenne. Elle devrait mener à terme vers une Europe fédérale. Ils reconnaissent cependant en partie les impasses actuelles de cette construction. Néanmoins un gouvernement économique unique de la zone euro permettrait, pensent-ils, d'y remédier. Il faudrait donc encore plus de la même Europe
Voir débat à l'Assemblée nationale organisée par le MRC 28 janvier 2015 http://www.mrc-france.org/Premiere-Rencontre-du-MRC-Faut-il-sauver-l-euro-28-01_a728.html
Dans l'idéal un tel gouvernement, s'il arrivait à augmenter les dépenses dans les pays aux balances commerciales excédentaires comme celles de l'Allemagne, permettrait, estiment-ils, de rééquilibrer les économies des pays de l'UE et de relancer la croissance. C'est déjà ce que recommandait John Maynard Keynes après 1944. Mais sans succès. Les États Unis, avec leur compte courant alors excédentaire (comme l'Allemagne aujourd'hui) ont alors imposé le système qui les avantageait et cela jusqu'au début des années 1970. En quelques semaines furent ainsi mis sur pied, en 1944 à Bretton Wood, l'étalon dollar (avec garantie de convertibilité en or au prix fixe de 35 dollars l'once, jusqu'en 1971 quand les États Unis le décrétèrent unilatéralement, parce que cela ne leur convenait plus), le FMI et la Banque Mondiale. Exit la proposition de Keynes visant à introduire un mécanisme pour rééquilibrer les balances commerciales des différents pays. On imagine donc mal que l'Allemagne puisse aujourd'hui se laisser imposer, sans y être fortement contrainte, des mécanismes de correction des déséquilibres commerciaux intra-européens.
De nombreux spécialistes américains ont considéré l’euro comme vicié dans ses fondements. Cependant, ils ne s’y sont pas opposés dès lors qu’ils ont eu les assurances que l’euro ne concurrencerait pas le dollar pour les transactions internationales. Les Allemands ont respecté le deal. Ils ont fait de l’euro une monnaie forte comme le mark, mais qui en aucun cas ne se veut un concurrent du dollar.
 "L'Europe ne peut avancer, insistait François Hollande, à la mi-juillet, que si elle porte l'idée d'un dépassement.[ ] Ce qui nous menace, ce n'est pas l'excès d'Europe, mais son insuffisance" (Journal du Dimanche 19 juillet 2015) a-t-il prévenu, avec son ambiguïté coutumière. Ce qui a été accueilli à Berlin avec beaucoup de réserves. Car ce n'est pas la première fois que cette question est sur la table et qu'elle n'avance pas. L'Allemagne bien évidemment s'y opposera in fine, sauf si la décision finale ne diminue en rien ses avantages. D'ailleurs comment seraient prises les décisions de ce gouvernement ? Nul ne s'avance sur ce point. Des décisions technocratiques, semble-t-il, pourraient bien remplacer les décisions démocratiques et les souverainetés populaires qui, à vrai dire, sont plutôt embarrassantes pour certains.
En réalité les partisans de l'Europe fédérale ne semblent pas être conscients des limites que les européens se sont imposées. Ils ignorent les contraintes de l'ordolibéralisme.
-Doctrine économique visant essentiellement à contrôler l'économie par des règles se situant entre" le libéralisme de marché" et le pilotage par "des planifications et des interventions économiques et politiques gouvernementales modifiables en fonction des besoins et de la conjoncture (par exemple les relances Keynésiennes de la croissance, l'ardente obligation du plan sous de Gaulle, ou encore les changements de politique monétaire aux États Unis). ("L'ordolibéralime allemand, cage de fer pour le vieux continent", article franco-allemand de Denord, Knaebel et Rimbert Monde diplomatique d'août 2015, pages 20 et 21)
Or l'ordolibéralisme est la boussole de l'Allemagne de l'après guerre, depuis 1956, et de l'Union européenne, suite à la directive Delors-Lamy de 1988, au traité de Maastricht en 1992 et au traité de Lisbonne de 2007.
Ce sont les ordolibéraux - les Allemands bâtisseurs de la Bundesbank, des traités européens et de la monnaie unique, Wolfgang Schäublele en tête, mais aussi Jacques Delors et Pascal Lamy, Jean Claude Trichet, Mario Draghi, Mario Monti, qui ont contribué à l'élaboration des règles de l'UE.
Pour les ordolibéraux allemands il s'agit depuis 1956, de procéder à l'arasement des barrières douanières à l'échelle du "monde libre". Pas question de mettre un frein à la circulation des capitaux comme le faisait encore en Europe et la France au moment du tournant libéral de 1983. Dès 1956, le chancelier allemand Erhard avait d'ailleurs plaidé pour un grand marché transatlantique. Il ne s'agissait pas pour eux de créer un ensemble protégeant l'Europe. Cela était déjà bien clair avec l'article 56 du traité de Nice (2001) et maintenant, comme le souligne Frédéric Lordon, avec l'article 63 de l'actuel traité de Lisbonne (2007). Ce dernier 'stipule que "toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ". Alors que l'article 67 du traité de Rome (1957) limitait les mouvements de capitaux aux seules nécessités de l'économie réelle, à savoir le financement du commerce international et des investissements directs.
Comme l'écrit candidement le journal Le Monde (15 juin 2015, rubrique Eco & Entreprise), "la Grèce ne dispose pas d'une loi encadrant le contrôle des capitaux . En cas de défaut de paiement de l'Etat grec, les créanciers craignent un mouvement de panique des épargnants, entraînant des sorties massives de capitaux pouvant conduire des banques à la faillite".
Jusqu'en 1988 les mouvements à court terme des capitaux, les plus spéculatifs et les plus nuisibles, étaient soumis à la réglementation. Au niveau européen le tournant a pu être pris après mars 1983, lorsque François Mitterand remplaça Pierre Mauroy, son Premier Ministre par Laurent Fabius et lorsqu'il plaça Jacques Delors à la tête de la Commission européenne. C'était aussi ce qu'on a appelé le tournant de la rigueur. Il a conduit à la démission de Jean Pierre Chevènement et au départ des ministres communistes du gouvernement. Cela est bien connu. Mais ce que l'on connaît trop peu, c'est qu'avec la directive Delors-Lamy (1988) on a tourné la page et instauré la déréglementation complète au niveau de l'Union européenne. Pour Abdelal, politologue de la Harvard Business School, c'est cette déréglementation, qu'il appelle le "Consensus de Paris", (à laquelle ont contribué avec beaucoup de ferveur des socialistes français), bien plus que le "Consensus de Washington", qui est à l'origine de l'organisation financière mondiale actuelle! La voie était libre pour la Finance et la spéculation. (Rawi Abdelal , Capital Rules. The Construction of Global Finance, Harvard University Press , 2007. (ce livre, très documenté et très instructif, ne semble pas encore avoir été traduit en français)

Francois Hollande savait sans doute de quoi il parlait quand il a désigné, lors de son discours au Bourget en 2012, la "Finance" comme son ennemi! Mais n'avait-il pas en réalité déjà choisi le camp Delors-Lamy, Arnaud Montebourg ne servant qu'à donner l'illusion pendant un temps?

Ceux qui pensent que l'Euro pourrait servir à une défense de l'Europe et à un protectionisme européen ne se sont pas encore rendus compte de l'obstacle considérable qu'ils auront à surmonter pour y parvenir. Ont-ils compris que la dissolution des souverainetés nationales des pays européens n'avait pas pour but de déboucher sur une souveraineté européenne? Quand comprendront-ils les erreurs de conception de la construction européenne récente, renforcées par la création de l'euro et de la Banque Centrale Européenne (BCE). Cette dernière, à la différence de celles des autres pays démocratiques n'est adossée ni à un pays et ni à un gouvernement? En fait pour les ordolibéraux la BCE a seulement pour mission de contenir l'inflation. Maintenir ou relancer l'emploi n'est pas dans ses missions, contrairement à la FED américaine. C'est de la souveraineté dans son ensemble qu'il s'agissait de se débarrasser pour laisser le champ libre à la finance internationale et à leurs complices que sont les agences de notations. Ce sont maintenant ces dernières qui décident si une dette est soutenable. Et ils sont de ce fait de bien plus  efficaces gardiens encore de l'orthodoxie ordolibérale que la commission européenne: du TSCG et de sa règle d'or (limitation arbitraire des déficits budgétaires à 3% du PIB, endettements limités à 60% du PIB annuel, contrôle a priori des budgets nationaux par la commission européenne, etc.). Ce mode de contrôle était évidemment souhaité par l'Allemagne, car plus efficace que de simples règles pouvant toujours être contournées lors de négociations politiques. L'avantage pour les Allemands est qu'ils n'ont actuellement même pas besoin de discuter politiquement du fonctionnement de la zone euro. Tout est en effet dans les traités et l'euro, fabriqués sur mesure,  conformément à leur vision. Une fois les règles fixées les États n'ont plus à intervenir. "De même que l'arbitre ne joue pas, l'Etat, est pour eux exclu de l'arène" (Cf. Denord et al. Le Monde Diplomatique, août 2015). Et les spéculations financières aident à faire respecter tout cela. Pour les l'ordoliberaux, le plus important ce sont les règles inscrites dans les traités. C'est d'ailleurs ce qui explique pourquoi ils ont essayé de retirer le maximum de pouvoir aux instances politiques, y compris à la commission européenne.

Pour nous cette vision d'une Europe fédérale, destinée en réalité à favoriser la mondialisation libérale pilotée par la finance internationale, est sans issue, tout au moins pour réellement éliminer le chômage en Europe. Elle est aussi antidémocratique. Depuis la Révolution ne sont-ce pas les citoyens, avec leurs droits et leurs devoirs, qui devraient faire la loi, gouverner leurs pays, et donc préserver la démocratie?
Rappelons encore que ce n'est pas ce qui s'est passé quand, en 2005, les citoyens français et néerlandais - les rares à avoir été appelés à se prononcer par référendum - ont rejeté le projet de traité européen auquel a ensuite été substitué, sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy avec la complicité de socialistes, presque à l'identique, le traité de Lisbonne. Quand les citoyens ne votent pas comme il faut, il faut évidemment ne pas en tenir compte. Référendum égale populisme, n'est-ce pas ! Alors de quoi les peuples européens sont-ils encore responsables quand on ne peut plus décider au niveau national et discuter au niveau européen que d'éléments d'importances secondaires?

Il faut donc retrouver une certaine marge de manœuvre pour que chaque pays puisse évoluer à son rythme, au sein de l'UE, tout en restant souverain et solidaire et en créant en même temps une protection externe raisonnée au niveau de l'Europe.
C'est bien ce qu'on a fait avec la PAC (Politique Agricole Commune) qui a bien fonctionné alors qu'il y avait encore des monnaies nationales. L'aventure d'Airbus a également était conçue bien avant la naissance de l'euro !
 Cela ne signifie évidemment pas la suppression des échanges avec le reste du monde, mais seulement la possibilité de les maîtriser. La conception des gouvernements allemands et de leur ordolibéralisme est cependant différente. Les négociations avec la Grèce montrent une nouvelle fois que la construction européenne actuelle ficelle presque totalement les Etats et les peuples. La démocratie, qu'on dit avoir hérité des grecs, n'y trouve évidemment pas son compte.

La construction européenne, s'est révélée comme on l'avait prédit en 2005, et bien avant, un diabolique carcan pour les peuples européens. Ce n'est avec l'instauration d'un parlement de la zone euro, et un budget de solidarité spécifique comme suggérait encore récemment Francois Hollande, que celui-ci pourra être retiré. Cela peut avoir un intérêt momentanément, mais en aucun cas cela ne redonnera la souveraineté aux pays et à leurs parlements.

De la zone euro à monnaie unique
vers une Zone euro et une Union européenne à monnaie commune et à euros nationaux

Mais voyons maintenant pourquoi la zone euro actuelle est loin d'être une construction économique optimale, et pourquoi elle empêche réellement toute décision politique souveraine. Pour y remédier il faudra, pensons nous depuis longtemps, passer de la monnaie unique à une monnaie européenne commune. A défaut les gouvernements resteront ficelés par les "two packs", les "six packs", la règle d'or et le TSCG que Francois Hollande avait pourtant promis de renégocier! Nous sommes en effet maintenant bien englués dans l'ordolibéralisme inscrit dans le marbre des "traités" de l'Union européenne, dans l'euro et la BCE au service principalement de l'Allemagne et, via cette dernière, des États Unis qui contrôlent la monnaie mondiale à leur guise, dans leurs intérêts. Les États n'ont que des intérêts, c'est bien connu. Yanis Varoufakis, a bien démonté ces mécanismes dans son livre "Le Minautore planétaire, l'ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial".
Écrit en 2011 et complété en 2013, donc bien avant son arrimée au gouvernement. Il est paru français en mars 2014 (Éditions du cercle). Curieusement (? ) les journaux ont soigneusement évité qu'on en débatte.
Comme le soulignait aussi Jean Michel Quatrepoint, de manière ramassée et pédagogique, la zone euro actuelle n'est pas une zone optimale : " Pour avoir une zone monétaire unique, il faut un certain nombre de choses en commun, à commencer par la langue. Prenez les Etats-Unis, zone monétaire unique. De fortes disparités existent selon les régions,(toit comme dans l'Union européenne). Quand il y a du chômage dans l’une d’entre elles, les chômeurs se déplacent vers une autre où on emploie. C’est possible, car ils parlent la même langue. Il y a également des transferts budgétaires ; l’Etat fédéral (opère des compensations qui aident les territoires en difficulté.
(Rappelons aussi que le budget de l'UE ne reçoit actuellement que de l'ordre de 1% des recettes fiscales nationales, alors que le budget fédéral américain en reçoit plus de 20%)
Les fiscalités peuvent différer, la mise en place de certaines taxes régionales à la consommation permettant d’engranger des recettes supplémentaires.
En Europe, si on voulait avoir une zone monétaire optimale, on aurait besoin d’une langue commune, qui n’existe pas, de transferts budgétaires – les territoires riches transférant des fonds aux territoires pauvres, ce que refusent les Allemands – et de la mise en place temporaire de préférences communautaires pour favoriser les productions locales.
La Grèce aurait besoin de protections dans certains secteurs pour relancer son économie, tout comme d'autres pays (notamment la France qui aurait actuellement besoin de protéger le secteur de l'élevage .
Si ces conditions ne sont pas réunies, la zone monétaire unique enrichit les territoires riches et appauvrit les territoires pauvres. Comme l’euro est un néo-mark, il a renforcé la zone mark et appauvri toutes les autres. Tant que l’on n’aura mis à plat tous ces problèmes, notamment les dumpings fiscaux pratiqués par bien des membres de la zone euro (Luxembourg, Irlande, Pays Bas et maintenant Portugal), parler d’un gouvernement économique de la zone euro est au mieux de la communication, au pire une aimable plaisanterie ».
Les éleveurs français sentent aussi cela, mais encore bien confusément. Il sont aujourd’hui en concurrence déloyale avec leurs confrères allemands qui utilisent la main d’œuvre à bas coûts des pays de l’Est et disposent de nombreux élevages industriels, contre lesquels les Verts s'opposent en France. Cela modifie évidemment les conditions de rentabilité et la compétitivité relative.
Avec une monnaie unique les États n'ont plus la possibilité de s'adapter aux événements qui affectent un pays en particulier. Seul l'impact moyen pour l'ensemble de la zone pourrait entrer dans ses prérogatives. La dévaluation au profit d'un pays en vue de favoriser le redressement économique (baisse du prix pour les produits à exporter de manière à rendre ceux ci plus compétitifs sur le marché européen et renchérissement des produits importés de manière à freiner autant que faire se peut les importations) n'est plus possible, puisqu'il n'y a plus de monnaie nationale, pas plus que de contrôle des mouvements des capitaux, puisque l'UE en a décidé ainsi. Mais cela pourrait évidemment être changé à condition que les libéraux et les ordolibéraux n'y mettent pas leur véto et veuillent bien affronter l'opposition des marchés. Les seules possibilités d'ajustements restant aux différents pays ayant des difficultés (déficit trop important de la balance commerciale, du budget national, chômage excessif, etc.) consistent à procéder à, ce qu'on appelle, pudiquement, des dévaluations internes: à des baisses de charges (donc à des baisses des prestations sociales, des remboursement de santé, des retraites, des allocations de chômage etc..) ou encore à des baisses de salaires, à des augmentations des impôts ou à des baisses des investissements publics ! De cette "Europe nous n'en voulons pas (Slogan du MRC lors du boycott actif des élections européennes en mai 2014). ou plus" (Titre de l'article de René Halimi dans le Monde Diplomatique d'Aout 2015).

Avec une monnaie commune pour les transactions extérieures à l'union européenne et des monnaies nationales avec des parités différentes avec l'euro commun (un 1€-mark valant par exemple 1,2 € de monnaie commune, 1€-drachme valant par exemple 0,7 € et 1€-franc valant par exemple 0,9 €), la viande importée de l'Allemagne augmenterait ainsi de 30% en France , sans doute de quoi préserver une agriculture française différente de celle de l'Allemagne en rendant plus attractifs les produits français  et la consommation locale pour les consommateurs. Le lait importé en Grèce serait alors 20% plus cher si importé de France et 50% plus cher si importé d'Allemagne. En revanche l'Allemagne importerait les produits venant de l'extérieur de l'UE à moindre coût: 30 % moins chers que la France et 50% moins chers que la Grèce.
En réalité l'éventail des écarts entre les valeurs des différent euro- nationaux pourrait être un peu moins important. Nous avons retenu des fluctuation des euros-nationaux de l'ordre de 20% autour de l'euro-commun. Dans le SME (Système monétaire européen) des années 1975 - 1999 les fluctuations des monnaies nationales autour de l'Ecu (qui est en quelque sorte le précurseur de l'euro-commun) se situaient à + /- 2,25%. Avec des écarts entre les euro-nationaux plus faibles les écarts de prix des produits en provenance des différents pays seraient alors un peu moins importants que ceux indiqués ci dessus pour illustrer le propos.
La fondation Res Publica à fait étudier dès 2013 divers scénarii de sortie de l'euro monnaie unique vers une monnaie commune.
(Jacques Sapir et Philippe Murer avec le contribution de Cédric Durand.
https://www.egaliteetreconciliation.fr/IMG/pdf/Les_scenarii_de_dissolution_de_l_euro.pdf h



Mais à cela, comme l'explique très bien Fréderic Lordon dans l'ouvrage déjà cité plus haut, il faut ajouter quatre clauses très importantes. Car sinon on reviendrait simplement au SME qui existait dans les années 1970, lorsque l'ÉCU servait de monnaie commune pour la communauté européenne.
 Au 1er janvier 1999 L'ÉCU valait 6,56 franc français, c'est à dire 1 € ou 340,75 drachme, La Grèce est entrée dans le SME en 1985.
Précédemment 1ECU valait 0,705 livre anglaise (car le Royaume Uni faisait partie du SME) : 1€ vaut maintenant 1, 435 livre , ce qui illustre que la Grande Bretagne a pu d'évaluer sa monnaie et limiter la concurrence de la zone euro. En échange le chômage y est moins élevé que dans beaucoup de pays européens. Un ÉCU valait 9,49 couronnes suédoises (la Suède ne fait toujours pas partie de la zone euro), tout comme aujourd'hui.
On rappelle d'ailleurs parfois les inconvénients de l'Ecu pour rejeter ce retour vers une monnaie commune.

Il faut
les parités entre les différents euros nationaux doivent être fixes, mais révisables, (voir point 4 ) ;
les échanges entre ces euros ne doivent pouvoir transiter que par la BCE. Ceci afin d'échapper à la spéculation intra européenne des marchés financiers qui ne manquerait pas de se produire, et qui détruirait alors tout l'édifice;
les transactions externes à l'UE devraient donc tout naturellement passer par la BCE et être effectuées seulement en euros communs.
les parités entre les euros nationaux doivent être fixes, mais révisables, et être déterminées au niveau européen sur la base de différents critères économiques, dont la richesse par habitant, le chômage, le taux d'industrialisation les déficits etc. Cela nous sortirait évidemment de l'ordolibéralisme et remettrait à leur vraie place les discussions relatives aux politiques économiques et à notre avenir commun dans la zone euro.

 Notons toutefois que des dévaluations externes des monnaies nationales au sein de la zone euro ne suffiront pas, à elles seules pour redresser les économies des pays en difficulté. En revanche elles peuvent aider à remédier à la malfaçon de la ZE, notamment à gommer certains déséquilibres.

 En 2014 l'excédent commercial de la Zone euro était de 24,3 milliards d'euros. Mais dans cet ensemble l'Allemagne avait un excédent, (en euros), de 217 milliards et les Pays Bas de 5,4 milliards tandis que la France et la Grèce avaient un déficit, respectivement de 53,8 milliards, et de 5,6 milliards! On voit bien que la baisse de l'euro par rapport au dollar ne permet pas de rééquilibrage au sein de la ZE.

Cela ne dispensera cependant pas les pays de mener des politiques industrielles et agricoles audacieuses.

C'est seulement à cette condition que la proposition faite récemment par Francois Hollande aurait un sens. Mais peut-on encore croire, après tous les renoncements des socialistes et de la droite depuis le tournant libéral de 1983, qu'il veuille réellement aller plus loin?
Il est intéressant de relire à ce propos l'article paru dans la Tribune de Romaric Godin le 12 mai 2015
http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-pourquoi-yanis-varoufakis-est-il-insupportable-aux-europeens-475672.html

Et vers où?
Malgré toutes ces contraintes, bien connues des spécialistes de l'Europe, donc de Henri Weber directeur des études pour les questions européennes auprès du premier secrétaire du PS, ce dernier essaye encore, dans le journal "Les Echos" du 6 août 2015, de nous bercer d'illusions en proposant l'instauration d'une assurance chômage unique pour les 19 pays de la ZE, et d'un budget digne de ce nom. Il reconnaît maintenant les "vices de construction" initiaux de la ZE, la nécessité de changer le statut de la BCE pour qu'elle puisse aussi prendre en compte l'emploi .".. Voilà d'excellentes propositions dont il sait bien qu'il est actuellement impossible de les faire passer au niveau européen. Irait-il jusqu'à proposer, à l'échelle de la ZE et de l'UE, un nouveau référendum du type de celui de 2005 et cette fois en respectant l'expression des votants ?

Il faudra donc un grand mouvement d'ensemble, au niveau européen, pour retrouver des souverainetés démocratiques viables dans une aventure européenne commune. Cela nécessitera encore beaucoup d'explications et de clarifications.
C'est l'objet du groupe "République Moderne" présidé par Jean Pierre Chevènement..
Un autre rapport de force reste donc à construire, non seulement en France, mais au niveau de l'Union européenne avec toutes les forces qui le souhaitent.
-Au récent congrès du Parti de Gauche, en juillet 2013, 45% se seraient prononcés pour une sortie de la monnaie unique.

-Mélanchon
http://www.legrandsoir.info/grece-refuser-le-coup-d-etat-financier-de-la-bce.html.

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